Trois recrues du capitaine faisait le tour de l’île à la recherche d’indices pouvant remonter jusqu’à l’assassin de leur patron, mais aussi pour tenter de retrouver la jeune fille aux couteaux qui avait également disparu.
De l’endroit où ils avaient retrouvé le corps du capitaine, ils longèrent la rive en remontant le courant. Visiblement, d’après les marques laissées sur le sol, le corps avait été traîné dans l’herbe fraîche, mais elles se perdaient dans le sable & l’eau avait effacé toute trace.
Soit il avait été assassiné là & alors il était vain de chercher quoi que ce soit, soit il fallait trouver de nouvelles traces un peu plus loin.
Arrivés à la pointe de l’îlot, à l’exact opposé du point de garde où ils avaient passé une partie de leur nuit, l’un d’eux tomba par hasard sur un poignard qui était presque enterré.
_ Ce ne serait pas le poignard …
_ Si ! s’extasia un grand homme blond, flanqué d’un arc & de son carquois. Je le reconnais.
_ Alors c’est qu’elle est venue ici cette nuit.
_ & ici, il y a des traces qui indiquent qu’elle n’était pas seule, regardez, fit le troisième à quelques pas de là.
Les deux autres s’approchèrent pour examiner à leur tour le sol.
Ils étaient tombé d’accord pour dire que la jeune fille & le capitaine s’étaient retrouvé ici, mais que s’est-il passé ensuite ? Est-ce qu’ils sont morts tous les deux assassinés par une tierce personne, elle disparue dans les méandres du fleuve & lui traîné un peu plus loin sur la rive ? Ou est-ce elle qui a assassiné le capitaine avant de s’enfuir ?
A la nage, ce serait du suicide. La côte est bien trop loin & même si elle y parvenait, il n’y a que de la forêt sauvage à perte de vue, avec tous les dangers que cela comprend. Elle aurait également pu s’enfuir en barque de sauvetage. Il faudrait vérifier s’il n’en manque pas une sur le bateau, mais comment aurait-elle pu voler une barque sans se faire repérer ? La solution la plus plausible à leurs yeux était celle d’un complice. Il les aurait suivit en bateau & attendu la nuit pour accoster ici & rejoindre la belle, assassinant le capitaine & s’enfuyant avec sa complice. Mais là encore, ils n’étaient pas totalement satisfaits. Ceux qui montaient la garde l’auraient vu arriver cette embarcation, surtout si elle était arrivée du Sud & si elle les avait suivi, ne l’auraient-ils pas remarqué ? Cela voudrait dire qu’ils auraient échappé au massacre de la cité, mais aussi à l’embuscade de l’arche ?
Vraiment, ils n’arrivaient pas à s’accorder sur une solution vraiment concluante & ils retournèrent au bateau avec l’idée qu’il pourrait y avoir un assassin à bord & que la jeune fille, s’ils ne l’avaient pas retrouvé, avait été emporté par le fleuve.
*******
Au même moment, le second du capitaine, qui commandait jusqu’à présent à l’avant du bateau sous les ordres du capitaine, revint vers l’homme au capuchon.
Il était visiblement contrarié.
Mais il n’y alla pas par quatre chemins.
_ Les hommes refusent de ramer sous les ordres d’un inconnu, qui n’est pas marin de surcroît.
_ Comment ça ? Mais qui leur a demandé leur avis ? Il faut que j’arrive avant la fin de la semaine à bon port. Il faut qu’ils rament !
_ J’ai bien peur qu’ils refusent. Même sous la menace. Ils préfèreront mourir en marin plutôt que d’être dirigés pas un bureaucrate.
_ Mais … savent-ils qui je suis ? Si c’est une question de prix, ce n’est pas un problème.
*******
Les autres passagers, comprenant qu’il y avait un souci, se mêlèrent à la conversation, mais c’était le statu quo. Chacun campant sur ses positions, ils étaient bloqués sur cette île.
Les trois aventuriers arrivèrent à leur tour.
Ils donnèrent leurs conclusions, mais la seule supposition qu’un assassin puisse se trouver parmi eux sembla débloquer la situation.
Les recrues du défunt capitaine s’allièrent aux marins & proposèrent d’abandonner la famille de voyageurs sur l’île. Après tout, c’était bien de leur faute s’ils se retrouvaient tous coincés ici.
L’homme au capuchon n’en croyait pas ses oreilles & proposa d’en discuter plus posément autour du repas.
*******
_ Ecoutez, fit l’homme au capuchon en se servant un morceau de lapin grillé, j’ai une proposition qui devrait pouvoir contenter tout le monde.
La tablée attendit la proposition avec curiosité.
_ Voilà. Comme certains le savent peut-être déjà, je suis un descendant du comte Von Nabis qui vient de nous quitter récemment. Je suis, selon toute logique, son premier héritier & afin de toucher ce qui me revient de droit, la loi m’oblige à me présenter dans les 7 jours qui suivent un décès. C’est pourquoi je dois me rendre au plus vite dans le Sud afin de prendre connaissance de l’héritage que je dois toucher. Mais soyez assurés qu’on parle d’une grosse fortune !
_ Hélà ! protesta une voix féminine. Qui te dit que tu seras le seul héritier ? Je suis ta sœur & à ce titre, j’ai droit à une part aussi égale que la tienne, si ce n’est plus, car on sait bien en quelle estime il te tenait le vieux bougre & ne compte pas sur moi pour céder une seule pièce de mon héritage, même de cuivre, à ces sauvages.
_ Allons, tu sais bien qu’il était plus que riche & que même si je ne reçois qu’un dixième de sa fortune, ce serait amplement suffisant pour acheter dix bateaux comme celui-ci !
_ Si tu hérites …
*******
Le repas fini, les discussions en étaient toujours au point mort.
Ce n’est qu’au bout d’une heure qu’un semblant d’accord commençait à voir le jour.
Les marins refusaient toujours de laisser l’homme au capuchon monter à bord à mois que ce dernier cède à la proposition que ce soit le second du capitaine qui devienne à son tour capitaine de la « Fleur des Astres ».
Ce point acquis, la transaction financière s’engagea.
Lorsque tout fut négocié, le jour déclinait.
Le voyage irait à son terme avec tout le monde à son bord.
_ Tout le monde à bord ! annonça l’homme au capuchon. On naviguera de nuit !
_ Si ça ne vous fait rien, intervint le marin, c’est moi le capitaine, c’est donc moi qui décide. Mais vous avez raison. Si nous voulons être payés, il faut que vous touchiez votre héritage & nous avons perdu assez de temps. Nous dormirons donc à bord du bateau, mais nous naviguerons à vue. Nous n’irons pas très vite, mais on rattrapera un peu de notre retard. |