Avant de quitter l’étang du Dédégah, ils firent le tri dans leurs affaires.
Malgré les objections du nabot, c’est la jeune fille qui s’occupa de celles de la défunte héritière.
Elle récupéra rapidement tout ce qui pouvait lui être utile & abandonna le reste.
Alors qu’elle allait rejoindre les autres, elle aperçu un bracelet à son poignée.
Comme le nain la regardait de loin, elle usa de toute sa ruse & de son adresse pour le prendre & le glisser dans une de ses poches.
Comme il n’avait visiblement rien remarqué, elle entreprit de récupérer tout ce qu’elle pouvait & qui avait de la valeur.
Elle s’apprêtait à laisser de côté une feuille de papier sortie d’une doublure de la robe, mais, par acquis de conscience, elle jeta rapidement un œil à l’en-tête.
Le sourire aux lèvres, elle le plia finalement soigneusement & le glissa délicatement contre sa poitrine, sous ses vêtements.
Satisfaite, elle avait rejoint le groupe pour le départ.
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Loin, très loin, des ombres planaient au-dessus d’un homme allongé dans le sable.
Habitué à naviguer sur les eaux, il ne réclamait pourtant plus à boire.
Le chameau qui attendait à ses côtés se leva & s’en alla.
Le repas était cuit à point pour les charognards qui guettaient leur proie.
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Depuis qu’ils avaient repris leur périple, rien n’avait vraiment changé dans le paysage.
Les dunes de sable se succédaient les unes après les autres.
La chaleur grimpait tout doucement, péniblement.
Mais ils s’y étaient un peu habitués & il semblait faire un peu moins chaud que les jours précédents, signes qu’ils avaient du quitter le cœur de l’Espoir Dés, ce terrible désert tant redouté qu’ils s’apprêtaient à dompter.
C’est donc avec beaucoup d’impatience & de satisfaction qu’ils avançaient, se laissant aller à discuter tranquillement de choses légères & futiles. Chacun racontant une blague ou une anecdote personnelle.
L’ambiance était bonne & optimiste.
Pourtant, on pouvait sentir comme une sorte de tension sous-jacente, une nervosité inexplicable. Comme si toute cette bonhomie n’était que façade.
Dans le creux d’une dune, ils avaient fait un grand trou dans le sable pour se poser plus ou moins au frais & manger un morceau.
Là, la discussion dévia alors tout doucement vers les récents évènements.
_ Vous voulez dire que vous avez quitté la cité impériale à quinze & qu’il ne reste plus que vous cinq ? analysa incrédule le nouveau membre de l’équipe.
_ Hélas ! Oui, confirma le nain. Mais il faut dire que nous avons beaucoup joué de malchance.
_ Enfin, ils n’étaient que treize au départ, corrigea l’ancien militaire. C’est ça qui nous a porté malheur. Parce que si nous n’avions pas insisté pour les rejoindre, ils nous auraient laissé crever là-bas.
_ Là-bas ou ici, il faut bien mourir un jour, plaisanta le grand black.
_ Sauf que jusqu’à preuve du contraire, on est toujours en vie, nous, objecta la jeune fille.
_ Justement ! intervint le petit barbu. Qu’est-ce qui nous dit que ce n’est pas de votre faute ? Hein ?
_ Non mais oh ! traitez-nous d’assassins aussi tant que vous y êtes ! s’enflamma le père.
Sentant la tension monter dans le groupe, l’homme au casque panaché tenta maladroitement de calmer la situation, mais il s’en fut de peu que l’altercation en vienne aux mains.
Après la pause, le groupe se sépara en trois.
La bonne humeur matinale était déjà loin derrière.
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_ Regarde ce que j’ai trouvé. Avec ça, on pourra faire tout ce qu’on veut. On pourra s’offrir la plus belle maison du village.
_ Allons. Allons. Ne t’emballe pas. Arrivons d’abord au village & après nous aviserons.
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_ Comment est-ce que tu comptes t’y prendre ? Tu t’occupes des deux affreux & moi des deux autres ?
_ Non, non. J’ai eu ce que je voulais, les autres en m’ont rien fait.
_ Mais enfin ! Déconne pas ! On peut se faire un max de pognon !
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_ Je suis sûr que c’est elle qui l’a récupéré. Cette petite peste veut nous doubler.
_ On n’a qu’à les neutraliser.
_ & comment ? Tu m’as déjà vu me battre, moi ?
_ Allez ! Ca va, c’est qu’une gamine & en plus c’est nous qui avons le chameau.
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Enfin !
Enfin la fin de l’enfer.
Ils apercevaient enfin un peu de végétation.
Plus qu’un soulagement, c’était une libération.
C’est ce moment-là que choisirent les deux complices pour mettre leur plan à exécution.
Arrivé à hauteur du père & de sa fille, le nain poussa la gamine dans le sable & se jeta sur elle sa ceinture entre les mains pour tenter de l’étrangler.
Au même instant, perché sur le chameau, son ami barbu donnait un coup de hache dans le dos du militaire qui s’effondra d’un coup. Un coup fatal qui ne lui laissa aucune chance.
_ Où tu l’as mis !? baragouinait le nabot en serrant aussi fort que possible sa ceinture autour du coup de sa victime qui se débattait comme une furie.
Donnant un bon coup de coude où il faut, son agresseur relâcha son étreinte & elle pu se libérer. Dégainant un couteau, elle fut à nouveau projetée à terre par un violent coup de pied dans le dos que lui asséna le teigneux à dos de chameau.
_ Laisse tomber bougre d’âne ! Filons ! l’invectiva l’homme à la hache.
Marchant en retrait & réalisant ce qui était en train de se passer, l’homme au casque panaché & l’africain accoururent aussitôt, arme à la main.
Une fois hissé maladroitement & sans ménagement sur le dos du chameau, les deux compères détalèrent aussitôt.
Les deux autres aventuriers arrièrent trop tard.
La jeune fille se releva, son père gisant à ses pieds.
Courant vainement à leur poursuite, elle lança son couteau de rage dans le fessier de l’animal qui blatéra de douleur & accéléra sa course. |